1978 "Hisô Furusuni, soldat de la division 123 de l'armée de l'air japonaise, de retour au Japon !"

Wonder Island est le premier manga de Toriyama. A l'époque jeune illustrateur au chômage, il avait besoin d'argent, ce qui le poussa à participer au concours de Shonen Jump, magazine de manga très populaire au Japon, qui consistait à dessiner une histoire. Ce concours il y échoua, mais la rédaction du magazine lui téléphona pour l'encourager à persévérer car son manga, bien que trop immature, avait ses chances d'entrer dans la cour des grands. La réussite l'attendait quelques retouches plus tard et son manga fut publié dans le n° 52 de 1978... Wonder Island est un manga court (15 pages). A vrai dire, il pas eu un franc succès lors de sa publication ; il permettait à son auteur de boucler la fin du mois, mais les lecteurs n'ont pas spécialement accroché...

Le héros, Hisô Furusuni, est un soldat de l'armée japonaise. Autrefois en mission au cours d'une opération kamikaze pendant la Seconde Guerre Mondiale, son avion chute dans le pacifique et il se retrouve coincé durant 35 ans sur une île bizarre où les singes font du skate, les poissons volent, bref où tout est anormal. Aujourd'hui, il s'est construit une machine pour rentrer chez lui par les airs, mais lorsqu'il l'essaie devant P-man et une fée, 2 indigènes qu'il a rencontrés par hasard, il se crashe. Alors il recommence avec un deltaplane, sans succès. C'est finalement une sorcière qui va le transformer en oiseau pour qu'il puisse voler ... et encore !

Hisô Furusuni
C'est le personnage "élément perturbateur" de l'histoire.
Ancien soldat de l'armée nippone, il a échoué sur l'île merveilleuse et veut rentrer chez lui. Il semble difficile de dire si c'est un être humain, vu sa tête de piaf... Il a l'air un peu à la masse : vous avez déjà vu un soldat qui ne sait pas nager, ou qui fabrique des ailes en bois pour s'envoler ? Il a gobé un rat au début. Erk ! Finalement, quand il devient une volaille à la fin, c'est mieux car il l'ouvre moins...

P-man
Il habite l'île merveilleuse. C'est un personnage très étrange, avec une tête énorme par rapport à son corps (ça n'a rien à envier au super-deformed !), un pagne de Tarzan, des lunettes de soleil et un sourire d'enfer. Au début de l'histoire, il essaie de shooter Furusuni avec une mitrailleuse reconvertie en lance-pierres, puis il va l'aider à rentrer au Japon, mais à vrai dire il s'en moque un peu ; il n'est pas aisé de dire ce qu'il a dans la tête... Jusqu'à la fin, il n'a pas grande utilité sinon de rester assis dans l'herbe. Il héberge quand même Hisô après sa chute en delta.

La fée
Ne me demandez pas un long discours sur elle. C'est simple, on ne sait rien d'elle ! Elle accompagne P-man sur l'île, un peu à la manière d'une autre fée de Disney (source ?), en compagnie d'un ange.

Le gorille
Il apprend la technique de vol en deltaplane à Hisô. A croire que déjà à cette époque là, Toriyama aimait dessiner des primates.

La sorcière
Elle apparaît tout à la fin, sur un aspirateur volant, pour transformer Hisô Furusuni en oiseau. Mais elle ne savait légèrement pas que c'était pour qu'il vole, alors elle le change en coq.

Au début, je ne savais pas que Wonder Island avait été publié en France. J'ai donc été très agréablement surpris de le découvrir dans le premier volume des Histoires Courtes. Ma surprise s'est maintenue au cours de la lecture, mais de façon moins agréable !! Bon il est vrai que ce fut le premier manga de Toriyama publié, qu'il n'avait pas encore beaucoup d'expérience, mais là !... on frôle le dérisoire. J'avais lu un peu partout sur le web que l'histoire parlait d'un soldat qui enquète sur des disparitions, mais il n'en est rien, mais alors rien de rien, c'est beaucoup moins sérieux. L'humour est assez piquant, parfois lourd. Le style graphique est très arrondi, peu précis, assez grossier. Enfin le scénario est à peine crédible.

Bref, je ne dirai pas que ce manga est nul, mais il est bien loin de ce que l'on connait de Toriyama, très très loin ! En fait ce manga ne se prend pas au sérieux. Mais il faut savoir une chose : l'auteur n'avait aucune idée de ce qu'il faisait à l'époque ; pour lui, Wonder Island était un manga qui devait lui sauver la mise, alors qu'il cherchait un emploi. Il n'envisageait pas de faire une longue carrière, mais de gagner de quoi vivre. De plus, bien qu'il fût doué pour le dessin depuis pas mal de temps, il avait été formé en tant qu'illustrateur et non manga-ka, ce qui explique à la fois son manque de savoir-faire et son parti pris pour l'ironie. Toujours est-il que ses débuts en tant que dessinateur-scénariste de mangas n'ont pas été toujours drôles.

Wonder Island est connu comme le premier manga d'Akira Toriyama, mais en réalité il fait suite à deux premières histoires que Toriyama a dessinées pour le concours Monthly Young Jump, mais qui n'ont pas été publiées. La première, intitulée Awawa World (1977), se déroule au Japon sous l'ancien régime féodal dirigé par les samouraïs ; de très nombreux gags y sont présents. La seconde, Mysterious Rain Jack (1978) est une parodie de Star Wars où l'humour se rapproche un peu du futur Dr Slump ; elle est parvenue en finale du concours ! C'est après ces titres que la rédaction de Shônen Jump a encouragé Toriyama a continuer.

1979 "Il m'a dit que j'étais un vieux chauve croisé entre Astro Boy et King Kong !"

Nous sommes en 1979 et Toriyama souhaite continuer Wonder Island pour tenter d'attirer les lecteurs. Ce deuxième (et dernier) épisode sera publié dans le numéro spécial de Shonen Jump de janvier. L'auteur passe l'éponge sur son premier échec et tente de raconter une histoire complètement différente, tellement d'ailleurs qu'elle consititue un manga indépendent du premier, mais toujours aussi court. Malheureusement, là encore le succès n'est pas au rendez-vous. La réaction des lecteurs est très froide.

Au commissariat de police de Los Angilas, dans l'Etat chou-fleur aux Etats-Unis, l'inspecteur Harry a été convoqué pour une mission de première importance. En l'attendant, le commissaire et ses hommes jouent à la guerre entre Ultraman et Godzilla. Une fois là, Harry leur fait tout d'abord une prétentieuse démonstration de sa technique de tir, en shootant les narines de la Statue de la Liberté. Le commissaire lui présente ensuite le cambrioleur de banques qu'il doit retrouver, ce dernier étant caché dans l'île merveilleuse. L'inspecteur Harry s'y rend et il se fait attaquer par un dragon à trois têtes, mais P-man arrive et le dégomme, avant de se retirer pour prendre le thé, et puis Harry clamse sur un champ de mines. Fin.

Harry
C'est le héros de ce manga. Il porte des lunettes de soleil et frime à mort durant toute l'histoire. Sa technique de tir est la meilleure du monde, ce qui n'échappe pas aux policiers qui l'ont convoqué pour éliminer le cambrioleur de banques. C'est une sorte de James Bond qui ne manque pas de prétention. Il va tout faire pour remplir sa mission et remporter le titre d'adjudant-chef, mais P-man va lui faire péter un câble et échouer.

Le commissaire et ses hommes
Petit et gros, le commissaire fait une bonne caricature. Il se prend pour Ultraman, ce qui n'est pas toujours sérieux. D'après l'homme qui a cambriolé la banque, c'est un vieux chauve croisé entre King Kong et Astro Boy... Cette injurieuse description le met hors de lui. Les deux autres ne sont guère plus futés et passent leur temps à jouer les Godzilla ou les ennemis d'Ultraman. Ils se moquent sans cesse de l'inspecteur Harry.

P-man
Déjà présent dans le premier épisode de Wonder Island, il a ici un rôle moindre. Par contre, il apparaît plus fort car tout en ayant le pouvoir de voler, il peut se servir de sa bouche comme d'un lance-flammes. Son entrée fracassante dans ce manga se déroule dans un oeuf, son souffle peut dévier les balles de Harry, et il est toujours aussi niais.

J'ai trouvé le début du manga très drôle, surtout le passage "Je ne suis pas Godzilla !... Urgh !... Je suis Godzilla !". Pour la suite, j'en reviens un peu à mon commentaire du premier épisode : beaucoup de lourdeurs, un comique qui fonctionne mal, un scénario hasardeux. En effet, ne trouvez-vous pas que la fin de l'histoire est bouclée de façon simpliste ? On ne voit même jamais apparaître le malfaiteur recherché, P-man arrive de nulle part et repart vers nulle part, les lieux sont vides.

En résumé, si Toriyama fait l'effort d'insérer plus de blagues qu'avant, le résultat reste toujours un peu décevant. Et les réactions des lecteurs en 1979 le confirment : Toriyama est à l'époque considéré comme un dessinateur moindre, en marge derrière les autres. Ces réactions ont fait de sa première année de manga une année vraiment difficile où il était à deux doigts d'abandonner, d'autant plus que plusieurs des mangas qu'il a proposé après Wonder Island 2 ont été refusés. C'était à l'aube de sa carrière, mais heureusement quelques temps plus tard, ses 2 mangas suivants, Today's Highlight Island et L'inspecteur Tomato ont rattrapé tout cela.

Les 3 policiers que l'ont voit dans Wonder Island 2 ressemblent fortement à ceux que l'on trouvera plus tard dans Dr Slump, à se demander si ce ne sont pas les mêmes personnages ! Il est évident que non, car par la suite ils deviennent plus sérieux, mais malgré tout leur profil a très certainement plu à l'auteur au point de s'en resservir plus tard.