Présentation - Dragon Ball
Voici une présentation détaillée de cette oeuvre qui restera comme la plus fameuse jamais dessinée par Akira Toriyama.

Origines de la série | Résumé de l'histoire | A propos du Voyage en Occident | Commentaire | Dragon Ball en chiffres

Origines de la série
Au début des années 80, tandis que la série Dr Slump connaissait un grand succès, Akira Toriyama gardait derrière la tête l'envie de raconter une histoire autour des arts martiaux. Lui-même grand amateur de films du genre, dont ceux de Jackie Chan, il avait créé le personnage de Tsukutsun Tsun pour apporter quelques scènes de combat à son premier succès comique. Le personnage de Tsukutsun s'est d'ailleurs grandement développé dans les derniers volumes de Dr Slump. En parallèle, il avait dessiné en 1983 dans le magazine Fresh Jump une histoire courte intitulée Dragon Boy, mettant en scène un jeune garçon qui pratique le kung-fu et doit un jour raccompagner une princesse dans son pays. Puis était paru L'aventure de Tongpoo en 1984, autre manga court associant un petit garçon et une jeune fille dans des aventures spatiales. Ces deux mangas exposaient déjà plusieurs éléments remarquables commes les Capsules ou la boule du Dragon.

Mais c'est durant l'été 1984 que Toriyama se tourna vers la Chine où il puisa une histoire populaire très connue du nom du Voyage en Occident et qui compte des personnages légendaires comme un singe doté d'un batôn téléscopique et pouvant chevaucher les nuées, ainsi qu'un cochon apte se transformer. (Voir paragraphes suivants pour plus de détails) Fasciné par cette histoire, qui avait déjà fait l'objet de bon nombre d'adaptations, Toriyama commença d'abord par réaliser quelques illustrations dérivées dans Dr Slump (ci-dessus Tsukutsun). Puis dès la fin de Dr Slump, il s'inspira librement du Voyage en Occident, ainsi que de ses deux histoires courtes ci-dessus mentionnées, pour inventer un nouveau manga du nom de Dragon Ball, dont le premier chapitre fut pré-publié le 3 décembre 1984 dans le Weekly Shônen Jump #51.

Les vingts premiers chapitres de ce manga furent intimement liés au conte chinois, mais le succès ne fut pas extraordinaire. Encouragé par son éditeur Torishima à davantage mettre en valeur les arts martiaux, Toriyama songea à la popularité des manifestations sportives dessinées dans Dr Slump ; il s'éloigna alors du Voyage en Occident (sans jamais pour autant s'en séparer, vous le verrez plus bas) et créa les Tenka-ichi Budôkai (tournoi d'arts martiaux)... Cet événement fut le moteur d'un succès sans précédent dont allait jouir Dragon Ball...

Résumé de l'histoire
L'histoire de Dragon Ball tourne autour de son personnage principal, Son Gokû, que nous suivons depuis son enfance jusqu'à l'âge mûr. De son vrai nom Kakarotto, il fait partie d'une race d'extraterrestres belliqueux appelés les saiyajins, qui possèdent une queue de singe et peuvent se transformer en gorille géant les soirs de pleine lune. Ces facultés font d'eux de véritables mercenaires de l'espace qui exterminent des populations entières pour revendre des planètes à bon prix. Mais Kakarotto, envoyé sur la Terre, oublie sa mission et devient un gentil petit garçon du nom de Son Gokû. Vivant seul dans les montagnes depuis la mort de son grand-père adoptif, Gokû fait un jour la connaissance de Bulma, une jeune fille en quête des sept Dragon Balls, boules antiques pouvant faire apparaître le dragon Shenron qui exhauce un souhait. Il décide alors de l'accompagner et découvre un peu le monde, se faisant par l'occasion un grand nombre d'amis et rencontrant toute sorte de monstres.

Afin de s'entraîner davantage et d'accroitre sa force, Gokû participe avec son ami Krilin aux Tenkai-ichi budokai, les tournois mondiaux d'arts martiaux. Il est ensuite amené à combattre de dangereuses menaces pour la planète, telles que l'armée du Ruban Rouge ou le démon Piccolo. Mais de son coeur pur il ne tire qu'une leçon : devenir plus fort pour protéger la paix. Affrontant des adversaires toujours plus dangereux, Gokû sauve des vies de nombreuses fois, et finit par y laisser la sienne, mais grâce à l'aide de ses amis et du pouvoir des Dragon Balls, il est ressuscité. Ayant fondé une famille, Gokû ne cesse jamais de s'entraîner, et est encore impliqué avec ses amis dans des missions de sauvetage ou de résurrection. Il doit ainsi partir sur la planète Namek où l'attend le tyran Freeza, responsable de la disparition de son peuple. Puis ce sont Cell et les androïdes qui constituent une menace pour la planète Terre : en jouant sur le cours de l'histoire, le jeune Trunks s'associe à Gokû pour restaurer la paix. Enfin nous avons la saga Boo, un monstre enfermé depuis des lustres qui sème le chaos sur Terre ; Gokû doit faire appel à de nouvelles techniques de combat pour en venir à bout. Finalement, Gokû se charge d'enseigner un jeune combattant pour prendre sa relève dans la protection de l'humanité... tandis que quelque part dans le monde, les sept Dragon Ball ne demandent qu'à être rassemblés pour contribuer à réaliser les rêves comme les cauchemars et les miracles.

A propos du Voyage en Occident
Le début de Dragon Ball est donc comme nous l'avons souligné fortement influencé par cette histoire populaire chinoise. Connue également sous le nom de Saiyuki ou Journey to West, elle est tirée du roman Xi-you-jì du poète chinois Wu Cheng'en, ayant vécu au XVIe siècle sous la dynastie Ming. Ce roman fait partie des grands classiques de la littérature chinoise, et passe aujourd'hui pour un conte aussi connu en Chine que ne l'est par exemple le Petit Chaperon Rouge dans nos contrées.

Histoire : Une légende raconte qu'il y a très longtemps est né d'un rocher un singe mystérieux du nom de Sun Wukong, capable de raisonner comme un humain. D'une nature très présompteuse et impolie, il finit par devenir roi des singes. Plus tard, désirant obtenir l'immortalité, il part suivre l'entraînement du prêtre Subodhi ce qui lui vaut d'acquérir de nombreux pouvoirs tels que celui de sauter loin, de chevaucher les nuages, ou de pratiquer la magie. Lors d'un voyage dans le palais sous-marin du Roi des Dragons, quelque part dans les mers de l'Est, il dérobe un bâton magique capable de grandir ou rapetisser à volonter, qui lui constitue une arme de choix. Il commence alors à faire part de l'immortalité à ses confrères singes, ce qui attire la colère du Roi des Morts.

Invité dans le royaume céleste par l'Empereur Jade avec une promotion de palefrenier qui devait le tenir tranquille, Sun Wukong mange des pêches d'immortalité qui l'ennivrent jusqu'à troubler tout le monde au paradis. Cette fois-ci, Sun Wukong doit affronter l'armée du Paradis, qu'il défait assez facilement, mais il se fait tout de même capturer et enfermer dans la fournaise du chaudron du Seigneur Lao Tzu, dont l'incandescence devait le consumer progressivement en elixir... Devenu immortel, il parvient à se tirer d'affaire avec en outre la faculté de ressentir les mauvais esprits. Comme il ne peut plus être tué, Sun Wukong rencontre Bouddha en personne qui le défie de sauter loin de sa main pour être libéré. Il effectue un saut magistral qui le conduit dans une région du paradis où se dressent cinq piliers ; urinant contre l'un deux, il revient voir Bouddha qui lui montre que le "pilier" en question était un de ses doigts. Ayant ainsi perdu son pari, Sun Wukong se retrouve enfermé au fond d'une montagne.

Cinq siècles plus tard (alentours du VIIe siècle après JC) dans l'empire chinois Tang, le moine Xuanzang est chargé par le bodhisattva Guan Yin (divinité de la compassion) de ramener d'Inde certains sutras (manuscrits) bouddhistes très importants, et en chemin il libère Sun Wukong. Ce dernier se met ainsi à son service en reconnaissance. En route pour l'Inde, ils s'arrêtent dans un village où la fille d'un riche fermier a été enlevée avec un message de demande en mariage. Wunkung trouve le responsable, Zhu Bajie, un cochon paresseux et libidineux capable de se tranformer, ancien soldat du Paradis exilé sur Terre, qui les accompagne finalement dans leur quête. Puis ils rencontrent Sha wujing, monstre des sables également banni des cieux qui devint le troisième disciple de Xuanzang. Cette équipée ainsi formée se lança dans un long périple de quatorze années en direction de l'Inde, souvent perturbé par l'imbécilité de Zhu Bajie (surnommé "l'idiot" par ses compagnons), et où les pouvoirs extraordinaires du roi des singes Sun Wukong leur seront d'un grand secours pour combattre les ennemis...

Anecdotes : Ainsi Dragon Ball regorge de détails en référence directe au Voyage en Occident. • Akira Toriyama voulait au début que Gokû soit un singe, visuellement très proche de celui de l'adaptation cinématographique Saiyuki d'Osamu Tezuka (1960) ; mais afin de garder une marge de liberté, il opte plutôt pour une apparence humaine avec la queue de singe. • Vous avez aisément reconnu en le personnage d'Oolong celui du cochon Zhu Bajie, et même Bulma a des similarités avec le moine Xuanzang, notamment sa sagesse et son assurance... • L'éventail magique (bashôsen) utilisable pour éteindre la montagne de feu de Gyumao dans Dragon Ball est inspiré d'un éventail que Sun Wukong doit dérober pour éteindre de même un mont enflammé qui barre la route à l'équipe de Xuanzang. • Plus tard, lorsque Gokû découvre la technique de la transposition, c'est en référence aux soixante-douze duplications que Sun Wukong peut exécuter pour sauver sa vie lors des affrontements. • Dans un épisode propre à la série TV Dragon Ball, Gokû passe par un village où Ginkaku et Kinkaku, deux personnages que l'on trouve dans le Voyage en Occident, terrorisent la population avec une gourde maléfique qui capture les réfractaires et les transforment en saké. (Gokû y fera d'ailleurs un petit tour, mais pour y uriner !) • Analogie entre les pêches d'immortalité que mange Sun Wukong, et les fruits interdits que mange Gokû en enfer (uniquement dans la série TV) avant de recommencer le chemin du serpent depuis le bureau du Roi Enma. • Toujours dans la série TV, Gokû s'entraîne chez Dieu avec une couronne sur la tête qui le foudroie quelquefois. Le même sort arrivait à Sun Wukong lorsque son maître Xuanzang prononçait les paroles aquéquates. • Le moine Xuanzang est souvent tenté par les conquêtes amoureuses qui menacent de le plonger dans de sérieux périls, ce que l'on retrouve avec Gokû de passage chez la Princesse Serpent. • Etc...

Commentaire
Le manga Dragon Ball a connu une longévité hors du commun : commencé en décembre 1984, il a duré plus de dix ans dans les pages de Shônen Jump, et comporte près de cinq cents chapitres pour un total d'environ dix mille pages ! On peut ainsi en une seule oeuvre observer l'évolution radicale qu'a observée le style graphique de l'auteur. Au tout début, la série est dessinée un peu comme Dr Slump qui est d'ailleurs plusieurs fois cité dans Dragon Ball, avec un style très rondouillard comique, adapté aux mimiques de Gokû enfant ; puis à partir du 23e Tenka-ichi Budokai le trait s'amincit et devient plus anguleux, les combats plus poignants aussi, les détails visuels fourmillent. L'auteur renouvelle aussi sa technique de mise en couleur qui rendra les scènes de combat de Dragon Ball encore plus lumineuses et passionnantes dès l'arrivée des saiyajins. Mais cela n'empêche pas l'auteur d'avoir en aversion certains artifices visuels comme les trames, fastidieuses à mettre en place !

Dès les premiers volumes, la série a un scénario bien mené, avec son lots de rebondissements, ce qui est une bonne surprise pour un auteur habitué des histoires très courtes. Mais le plus surprenant reste la cohérence de l'histoire de Dragon Ball, qui faute de toute prévision s'est construite petit à petit ! Ainsi lorsque Toriyama dessine la première transformation de Gokû en gorille dans le château de Pilaf, il est loin de penser que Gokû serait un alien issu d'un peuple de guerriers. Les éléments viennent progressivement et s'emboitent parfaitement... ce qui n'empêche pas l'auteur de faire parfois quelques erreurs (puis de se répandre en excuses !).

Les techniques de narration ont également pas mal évolué dans Dragon Ball, pour devenir très cinématographiques dans la partie dénommée Dragon Ball Z en version TV. Sont mis à l'honneur les combats et les techniques, toutes aussi singulières les unes que les autres. Ainsi l'épouse de Toriyama serait à l'origine du nom "kame-hame-ha". Outre l'action, l'aventure et bien sûr l'humour omniprésent, l'émotion est également au rendez-vous. Il m'est ainsi arrivé plusieurs fois, je ne me le cache pas, d'avoir les larmes aux yeux en suivant un combat désespéré pour l'avenir du monde (pour cela, Gohan est très fort ! ^^). Les sentiments des personnages sont également très recherchés. Mais l'auteur n'aime pas se prendre trop au sérieux, cela l'endort avoue-t-il, aussi Dragon Ball connait quelques passages de pur délire, au début du manga sous l'influence proche de Dr Slump mais aussi à la fin !

Dragon Ball introduit le concept de Capsules Hoïpoï - la protagoniste Bulma étant elle-même membre de la famille fondatrice de la Capsule Corporation - qui outre son influence technologique sur bien des titres de manga ultérieurs, amène un grand nombre de vaisseaux et de véhicules, la plupart déformés par l'auteur pour plus d'adéquation à l'esprit du manga et moins de contraintes. D'autre part, les démons, monstres et dragons qu'il apprécie tant imaginer et dessiner, sont nombreux dans Dragon Ball : Shenron est le plus classique, et Porunga magnifique. Le peuple de Namek s'avère charmant malgré son membre récalcitrant qu'est devenu le démon Piccolo en cotoyant les humains.

Au fil des années, la série évolue tout comme son personnage principal Son Gokû. Au début jeune garçon naïf et innocent, il découvre le monde qui l'entoure avant de s'instruire, de devenir un adulte plus mûr et enfin de réfléchir de manière plus profonde sur le but de la vie et la fragilité de la paix. Il acquiert une force de plus en plus grande en parallèle à des combats de plus en plus intenses. L'auteur s'est en effet beaucoup soucié de la diversité de ces combats et de leur approche, pour ne pas tomber dans le piège de servir deux fois la même chose. Il lui faut sans arrêt se remettre en question, et pourtant la série a connu quelques longueurs comme la saga Freeza, période durant laquelle elle perdit un peu de sa popularité. Mais la saga Cell qui a suivi fut pour moi un excellent rebondissement.

Mais aussi bien que pour Dr Slump, Toriyama ne croyait pas que Dragon Ball durerait aussi longtemps, tout au plus pensait-il que sa libre adaptation du Voyage en Occident s'étalerait sur trois ou quatre volumes. S'il enchaînait les volumes avec enthousiasme à la fin des années 80, il en est allé autrement vers 1992 tandis que la série atteignait son trentième volume. Il projeta plusieurs fois de mettre un terme à Dragon Ball, la fin de la saga Cell étant le projet le plus visible, mais devant les sollicitations énormes de ses fans et de son éditeur, il continua encore en encore jusqu'en 1995 où, épuisé, il se décida à en rester là pour de bon... ou presque, puisque Dragon Ball GT vit bientôt le jour sur les écrans, avec une participation de l'auteur assez floue (on peut trouver quelques rares illustrations de cette période de l'histoire, mais l'auteur n'a jamais véritablement accepté de l'intégrer à son manga). Et bien des années plus tard, la folie Dragon Ball est toujours présente, si bien que l'auteur s'est investi dans une série d'histoires courtes intitulée Neko Majin où il s'amuse à parodier son propre manga culte.

Au final, quel est mon sentiment sur Dragon Ball ? Tout d'abord, c'est l'oeuvre qui m'a immergé dans le monde des shônen mangas, et m'a fait passé d'incroyables journées de lecture passionnées. Ensuite, c'est résolument l'oeuvre qui m'a fait découvrir Akira Toriyama (qui jusqu'alors n'était pour moi qu'un nom dans un générique) et porter tout cet intérêt pour son univers. Je lui dois par exemple la redécouverte de Dr Slump par ses quelques anecdotes. Enfin, je peux qualifier sans vergogne que Dragon Ball fait partie de ces histoires les plus grisantes et les plus joliment menées, sans trop de fausses notes ni trop de lourdeurs comme dans Dr Slump, un formidable récit d'aventure et de rêve, porté au début par une illustre légende, et devenu même moralisateur sur ses dernières parties ; en somme, une grosse tambouille mélangeant les genres - comique, dramatique, tragique, parfois même métaphysique - de façon très réussie.

Dragon Ball en chiffres
Existent à ce jour : Bref, vous voyez peut-être de façon plus objective le revers de la médaille, et en quoi le succès de Dragon Ball a pu constituer une menace pour l'indépendance de Toriyama et du travail au sein de son studio. Ce n'est pas à n'importe quel prix que le résultat a été très bon en substance.